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MontbaZine 2024




Chronique australe      Chronique N°38

Courir de par le monde, c'est un peu mon côté Tintin. Cette fois, je suis allé à l'autre bout de la Terre, en Argentine, là où l'on marche la tête en bas (mais ça tient). J'avais emmené dans mon balluchon les tenues ad hoc pour résister au froid glaciaire de Patagonie et supporter la canicule de la pampa. Sans rien oublier, ce qui est un exploit avec ma tête de Tournesol.



Première surprise : les argentins ne sont pas si argentés que ça. Mais ils font contre mauvaise fortune bon c?ur et vous répondent, quand on s'inquiète pour eux "tout va bien, tango n'a la santé". Bon, une fois sur place, j'ai cherché à photographier le mythe du pays, Eva. Evita pour les fans. Je voulais voir sa statue sur le perron, comme c'est écrit sur le "guide du roublard". Mais en fait, l'icône se trouve parfois sur les billets de 100 pesos (plus souvent faux que vrais). Et c'est dans le "petit flouté" que j'ai appris que la belle dame avait plus voyagé morte que vivante. Faut le faire. On se croirait dans le boléro interprété par Dalida "Aamorrr, à mort, à mort..." (vous l'écrivez comme vous voulez). Autant dire que la Kirchner, l'actuelle présidente (elle a pas de sac de riz sur le dos, faut pas confondre), a encore du chemin à faire pour rattraper celle dont le rôle fut joué au ciné par Madonna. Ne salivez pas, messieurs, s'il vous plaît ! Elle aussi commence à prendre de la bouteille.

Bien sûr, on est allés séjourner dans une estancia (un ranch chez les yankees et simplement une ferme chez les gaulois). Comme il y avait des canassons, je compris que j'allais pouvoir réaliser un rêve : galoper follement, la chevelure au vent, sur un mustang indomptable dans l'horizon infini de la pampa. Pour les cheveux, c'est une image, vu que ma coiffure commence à devenir monastique. Le mustang, lui, était en fait un brave bidet plus habitué aux blancs becs qu'à John Wayne dans "la chevauchée fantastique". Fallait se faire une raison. Une fois la bête escaladée (j'ai refusé l'escabeau pour garder ma dignité), j'ai tout de suite saisi le volant. Il paraît qu'on appelle ça des rennes. Pourquoi pas, mais c'est encore moins pratique qu'un manche à balai. L'ennui, c'est que je n'ai pas trouvé la première, pour avancer. J'avais beau débrayer avec le talon gauche, accélérer avec le droit, rien ! Vive les boîtes auto, si vous me suivez. Le gaucho de service me sauva la mise en tractant l'animal récalcitrant. C'était parti ! Mais pour les frissons, faudra que je fasse un autre essai. Là, probablement à cause des limitations de vitesse dans les chemins, on n'a même pas passé la seconde. Remarquez, ça laisse le temps de profiter du paysage. Au retour, et pour épater les autres touristes qui attendaient le départ suivant, je suis descendu de mon alezan d'opérette et j'ai marché avec les jambes en fer à cheval, comme un cow boy. Je ne vous dis pas l'effet obtenu !

Pas question de quitter ce grand pays qu'est l'Argentine sans une séquence culturelle : le tango. Moi qui roule des mécaniques rotuliennes dans les bals populaires bien franchouillards, je voulais voir ce qu'ils avaient dans le ventre, les fiers hidalgos. Pas déçu, je vous le dis. Pour la musique, ça va. A part qu'ils
se servent encore de vieux instruments comme le bandonéon. On peut penser qu'avec la télé, ils passeront bien un jour à l'orgue électronique. Passons. Les danseurs, eux, m'ont interloqué. Pensez : ils vous font une de ces têtes ! Si j'osais je dirais qu'ils font la gueule. Fâchés contre leur cavalière, c'est sûr. A bien y regarder, c'est probablement à cause d'elles, qui, tout en tricotant des guibolles, en profitent pour s'essuyer les chaussures sur le pantalon du mâle. Des masos et des vicieuses, à coup sûr.

Pour me remettre de ces chicaneries de couples étalées en public, je me suis consolé avec une bonne bouteille de Malbec (Pas d'inquiétude, ils ont aussi du merlot). Sauf que leur pinard, c'est pas de la grenadine pour communiantes. De 13.5 à 15°, il vous transforme les oreilles en clignotants en moins de deux verres. Effet anti-dépresseur garanti.

Voilà. J'ai maintenant retrouvé Montbazin, ses vignes et ses vignerons. Son clocher et ses cloches. Le Bon air. Buenos Aires, comme on dit là-bas.

Brettus (24-02-2014)