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MontbaZine 2024







Ixodes ricinus (femelle presque gorgée de sang)


Mâle (vu de dessous et de dessus) ; légèrement plus petit que la femelle à jeun





Les tiques envahissent nos forêts

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, les populations de tiques sont en augmentation, favorisant la propagation des maladies. À quoi est due cette situation ? Toutes les pratiques qui conduisent à augmenter le couvert forestier favorisent la prolifération de la tique Ixodes ricinus (1).

Depuis plus de cinquante ans, on constate une augmentation des populations de tiques en Europe, qui s'accompagne d'une propagation plus importante des maladies qu'elles véhiculent.

Changement climatique, activités humaines, modifications des écosystèmes… Plusieurs facteurs ont été avancés pour expliquer les raisons de cette situation. Plus précisément, quelles en sont les causes et quel est le rôle de l'être humain dans ce phénomène?
Des tiques essentiellement forestières

En Europe, les tiques les plus concernées par cette augmentation de population sont Ixodes ricinus et, à un degré moindre, la tique Dermacentor reticulatus (2). Ixodes ricinus est la tique la plus abondante de l'hémisphère Nord. Elle se nourrit exclusivement de sang sur des hôtes très variés: petits et grands mammifères, oiseaux et même reptiles… Plus de 300 espèces animales sont susceptibles d'être piquées ! L'être humain, en revanche, est un hôte accidentel.

Comment éviter les piqûres de tiques
Après l'éclosion, le développement de cette tique suit plusieurs étapes (appelées «stases»): larve, nymphe, puis adulte. Les nymphes de petite taille sont particulièrement impliquées dans la transmission de bactéries (comme celle responsable de la maladie de Lyme), de virus, voire de parasites à l'être humain.

Ixodes ricinus a besoin d'une forte hygrométrie (l'humidité contenue dans l'atmosphère) et d'une température d'au moins 5°C pour être active. Elle se développe dans la végétation, principalement dans les forêts (même si sa présence en ville est de plus en plus signalée, souvent dans des espaces fortement végétalisés). Elle vit dans l'humus et les litières de feuilles, passant son temps à monter sur les herbes pour chasser à l'affût, puis à redescendre au sol pour se réhydrater. En hiver, elle entre en diapause, cessant toute activité.

Cette tique évoluant surtout dans les bois, toutes les pratiques qui conduisent à augmenter le couvert forestier favorisent sa prolifération. Or, celles-ci ont quelque peu changé au cours des dernières années.
Le bois laissé au sol, un abri idéal

Autrefois, après une coupe de bois, toutes les parties des arbres étaient exploitées: les grumes étaient utilisées pour la fabrication de meubles, le houppier fournissait du bois de chauffage ou de la matière pour la production de copeaux ou de pâte à papier.

En revanche, à l'heure actuelle, une quantité importante de bois est laissée au sol. Rongeurs et oiseaux peuvent s'y abriter, y nicher, tandis que les tiques y trouvent une protection adaptée (et de quoi se nourrir). Critiquables sur un plan écologique, l'écobuage (défrichage par brûlage) et les coupes à blanc, qui rendaient l'environnement peu propice aux tiques, ont été largement abandonnés.

La présence des scolytes sur certaines essences d'arbre a conduit à l'utilisation d'insecticides par poudrage des arbres atteints dans les années 1950 (et plus récemment par aspersion de pyréthrines), ce qui a probablement aussi indirectement touché les tiques dans l'environnement forestier.

Les modifications des pratiques de sylviculture entraînent une accumulation de bois mort.
Pas ailleurs, dans notre pays, la prolifération des tiques a pu être favorisée par la modification des paysages: la forêt occupe aujourd'hui 31% du territoire métropolitain (67% des peuplements sont constitués de feuillus). Or, le développement des infrastructures routières, de l'agriculture intensive (nouvelles dimensions des exploitations agricoles) et de l'urbanisation ont conduit à une fragmentation du paysage. Dans certaines régions, les massifs forestiers sont désormais des parcelles isolées, dans lesquelles prolifère une faune favorable aux populations de tiques et aux pathogènes associés, (rongeurs, chevreuils...).
En sauvant l'environnement des tiques, on sauve... les tiques

Les tiques sont strictement hématophages: elles se nourrissent uniquement de sang. De beaucoup de sang: les tiques femelles ont besoin de 100 fois leur poids en sang! Pour se le procurer, elles doivent avoir à disposition une faune variée. Leurs hôtes privilégiés sont les cervidés, notamment les chevreuils, et les suidés, comme le sanglier.

Source : www.slate.fr - Nathalie Boulanger (04-07-2022)