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MontbaZine 2024













Journée mondiale du droit à l'avortement
C'est un droit qui reste fragile

"Ça peut arriver à toutes les femmes et à n’importe quel moment." Attachée au service de gynécologie-obstétrique, et plus particulièrement au centre d’orthogénie où l’on pratique les interruptions volontaires de grossesse (IVG) au centre hospitalier de Poitiers, le Docteur Stéphanie Mignot connaît bien le sujet. Et combien il est toujours sensible en 2022. "Les choses ont peu évolué. C’est un sujet tabou, complexe et mal compris. Et ce n’est pas toujours facile pour les femmes d’y avoir accès." Et pas seulement dans des endroits reculés : elle évoque une femme qui a dû venir de Bordeaux pour se faire avorter à Poitiers, faute de possibilité dans les délais.
Elle sait tous les problèmes que pose une telle décision. "Il y a toujours un sentiment de culpabilité. Mais ce n’est pas dur moralement de faire une IVG. Il faut arrêter de mettre ça dans la tête des femmes. C’est surtout du fait du conjoint que ça peut être difficile quand il ne veut pas le garder et qu’elle oui."
"C’est difficile de faire ça toute notre vie" À raison de 500 IVG par an au sein du CHU, elle a connu à peu près toutes les situations, même si elle a cessé aujourd’hui de les pratiquer. "C’est difficile de faire ça toute notre vie. Ça se fait rarement dans la gaieté, à l’inverse d’un accouchement qui est un moment heureux. Et on est souvent confronté aux violences faites aux femmes. On est un peu comme un oncologue, toujours à annoncer des mauvaises nouvelles."
Un rôle très peu valorisé dans notre société, quand il n’est pas incompris. "Beaucoup de gens ont du mal à comprendre qu’il y ait toujours autant d’avortements qu’en 1975. Mais c’est que les parcours de vie des femmes ont changé, les couples sont moins stables. Une femme peut rencontrer quelqu’un sans avoir eu le temps de remettre une contraception en place. Quand il n’y a pas de pilule bashing. Et les hommes ne s’impliquent pas souvent dans le préservatif."
Même au sein du corps médical, la question est toujours sensible. "Beaucoup refusent de le faire, ça reste un sujet difficile (Les médecins peuvent faire valoir leur clause de conscience). Ça n’est pas quelque chose de noble. Ceux qui le font, c’est par militantisme, c’est un droit qui reste fragile. On a la chance ici d’être passé de 14 à 16 semaines de délai. En Pologne, c’est interdit."

Source : www.lanouvellerepublique.fr (28-09-2022)