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La convention citoyenne sur la fin de vie

La convention citoyenne sur la fin de vie a rendu ses conclusions au Président Macron le 3 avril. Elle se prononce en faveur de l'ouverture, sous conditions, du suicide assisté et de l'euthanasie et du développement des soins palliatifs. Le Président souhaite un projet de loi d'ici la fin de l'été.

Avec

Frédéric Worms Professeur de philosophie contemporaine, directeur de l’Ecole Normale Supérieure, producteur à France Culture
Monique Canto-Sperber Philosophe, directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de l’ENS et ancienne présidente de l'université Paris sciences et lettres (PSL), auteure de plusieurs ouvrages de philosophie antique et philosophie morale contemporaine
Gaïdz Minassian Journaliste au Monde, docteur en sciences politiques et enseignant à Sciences Po Paris
Bertrand Badie Politiste, spécialiste des relations internationales

Lundi 3 avril, le Président de la République a rencontré les 184 citoyens de la convention citoyenne sur la fin de vie. Le chef de l'Etat a évoqué le début d'un"deuxième temps "du débat tout en rappelant qu'une"convention citoyenne ne se substitue jamais à la délibération parlementaire " Pour Emmanuel Macron, la convention citoyenne portait"une exigence et une attente d'un modèle français de la fin de vie ""Nous y répondrons", a-t-il assuré, annonçant un projet de loi sur la fin de vie "d'ici à l'été 2023 " Le Président a également confirmé"un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et le développement des soins palliatifs, avec les investissements qui s'imposent "

Les conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie
A l’issue de vingt-sept jours de travaux étalés sur près de quatre mois, les 184 citoyens de la Convention citoyenne sur la fin de vie ont voté dimanche 2 avril son rapport final, approuvé à 92 % des voix. "Pour une majorité de citoyennes et citoyens de la Convention, l’accès à l’aide active à mourir doit être ouvert", estime le texte. Dans le détail, le terme regroupe deux réalités : l’euthanasie, dans laquelle les soignants sont partie prenante, et le suicide assisté, dans lequel le patient pratique lui-même le geste létal. Pour une majorité de participants, il faut soit légaliser les deux possibilités, soit permettre le suicide assisté et réserver l’euthanasie à des cas plus restreints. Quoi qu’il en soit, il faut instaurer de nombreux garde-fous ont-ils aussi estimé : que la demande soit "libre, éclairée et révocable à tout moment", que le discernement du patient soit impérativement examiné au préalable, que son dossier soit évalué par une "procédure collégiale et pluridisciplinaire", qu’il puisse bénéficier d’un "accompagnement médical et psychologique complet" et qu’une clause de conscience soit prévue quant à l’implication du corps médical.

Au-delà de la seule question de l'euthanasie ou du suicide assisté, la Convention fait une longue liste de recommandations pour développer les soins palliatifs et faciliter leur accès. Prochaine étape : la rédaction d'une nouvelle loi sur la base de ces recommandations.

Une loi actuelle insuffisante ?
La législation actuelle (loi Claeys-Leonetti de 2016) permet aux soignants de mettre sous sédation irréversible des patients proches de la mort, dont les souffrances sont intolérables. Mais elle ne va pas jusqu'à autoriser une assistance au suicide ou l'euthanasie. Elle stipule que le corps médical ne peut se cantonner à un acharnement thérapeutique, à une obstination déraisonnable et à la prolongation artificielle de la vie lorsque le malade ne peut pas exprimer sa volonté. Le médecin responsable de l’Unité de Soins Palliatifs peut lui abréger la vie " en lui donnant la dose de soins utiles indispensables à son confort avec l’accord du malade, d’une personne de confiance ou d’un proche. Il peut également décider un arrêt du traitement dans le respect d’une procédure collégiale, après avoir consulté la personne proche du mourant et ses directives anticipées.

Les inquiétudes si l'aide active à mourir est légalisée
Au terme d'une consultation, l’Ordre des médecins s’est déclaré"défavorable "à ce que des médecins puissent participer à"un processus qui mènerait à une euthanasie "en cas de changement de la législation sur la fin de vie.

En cas de légalisation du suicide assisté, l’Ordre demande une clause de conscience spécifique"qui pourrait être mise en exergue à tout moment de la procédure", sans pour autant empêcher le médecin faisant valoir cette clause de continuer à suivre son patient. Pour l’Ordre,"l’évaluation, la décision d’éligibilité pour une aide active à mourir et la responsabilité devraient être collégiales "et le médecin traitant ou référent"devrait être systématiquement membre "de ce collège s’il n’a pas fait valoir sa clause de conscience. S’il est"défavorable à la participation active du médecin lors de la prise du produit létal par le patient", il estime qu’il devrait pouvoir le suivre jusqu’à ses derniers instants s’il n’a pas fait valoir sa clause de conscience. L’Ordre estime enfin que"la loi devra protéger le médecin qui participerait à la procédure d’aide active à mourir " En l’état actuel de la législation, l’Ordre"estime impératif de permettre une meilleure application de la loi Claeys-Leonetti "

Autre crainte soulevée par les personnes opposées à la légalisation de l'aide active à mourir : que la réforme ne se fasse dans la précipitation, surtout parce que l’accès aux soins palliatifs n’est pas garanti pour l’ensemble des Français : 26 de nos 96 départements n’ont pas d’unités spécialisées. Le risque est donc que l’Etat se désengage des politiques de solidarité. Autre crainte, que des personnes fragiles socialement et économiquement choisissent l'euthanasie.

Quelles sont les réglementations ailleurs en Europe ?
En 2001, les Pays-Bas sont le premier pays du monde à avoir légalisé l’euthanasie et le suicide assisté.

La Belgique a légalisé l’euthanasie le 22 septembre 2002

Au Luxembourg, l’euthanasie est autorisée depuis 2009. Elle ne peut être utilisée que lorsque des personnes majeures sont dans une situation médicale sans issue.

Depuis 2021, l’Espagne est le dernier pays européen à avoir légalisé l’euthanasie. Le patient doit être majeur, de nationalité espagnole ou résidant sur le territoire depuis plus de 12 mois et souffrant d’une maladie incurable.


source : www.radiofrance.fr